antiterrorisme et technopolice

Le 8 décembre 2020, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) interpellait neuf personnes, désignées comme membres « de la mouvance d’ultragauche », pour « association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des crimes d’atteinte aux personnes ». Sept d’entre elles sont mises en examen, dont cinq placées en détention provisoire. Accusées d’avoir formé un groupe clandestin pour préparer une « action violente » contre les forces de l’ordre, elles nient catégoriquement. Toutes seront libérées au fil des mois.
Libre Flot est le dernier à être sorti de prison, en avril dernier, au bout de seize mois d’isolement et trente-sept jours de grève de la faim. L’instruction est toujours en cours et les accusé-es restent soumis-es à des mesures de surveillance et à un contrôle judiciaire strict. […]

Alors que l’antiterrorisme est l’argument par excellence pour justifier toute opération militaire à l’étranger – comme si elles étaient dénuées de quelconques intérêts géopolitiques -, on ne peut que constater sur le territoire français comment l’émotion suscitée par les tragiques attentats de Paris a été utilisée pour justifier la discrimination religieuse et faire passer à une vitesse hallucinante les lois les plus liberticides sans possibilité de les contester.
Il y a comme des vases communicants entre la justice dite « d’exception” (mais pas tant) que représente l’antiterrorisme et la justice pénale « ordinaire ». […]

On a encore beaucoup de batailles à mener. Et dans le lot, effectivement, il y a la lutte contre la criminalisation de nos outils de communication. […]

Aujourd’hui encore, vu qu’ils n’ont aucun « projet d’action violente » à nous reprocher et que le dossier repose exclusivement sur cette suspicion, le juge d’instruction Jean-Marc Herbaut se sert du fait que le décryptage de nos outils informatiques n’est pas terminé pour maintenir l’enquête ouverte et refuser la levée totale des « interdictions de communiquer » entre nous. Alors que toutes nos auditions ont déjà été effectuées et que nous sommes dehors depuis de nombreux mois, utiliser cet argument pour nous interdire de nous parler n’a pas d’autre but que celui de nous isoler les uns des autres jusqu’au procès.

 

Plus largement, la question de la surveillance des moyens de communication mérite à mon sens une attention collective particulière : en posant une suspicion sur l’usage de ces outils, ils les criminalisent de fait. Alors qu’on est dans une société qui nous oblige à utiliser ces technologies de communication à plein de niveaux – même ouvrir un compte en banque sans téléphone portable est devenu compliqué – on nous enlève toute liberté de choix dans leur utilisation. Si tu utilises des outils pour protéger ta vie privée par choix éthique ou politique, tu deviens suspect. Ça fait partie de ce que La Quadrature du Net nomme la « technopolice », qui se développe actuellement en dehors du droit . Ces enjeux, qui peuvent paraître spécifiques à notre dossier, nécessitent pour moi une lutte politique en plus de la lutte judiciaire que nous menons déjà, car ils sont symptomatiques d’une société de plus en plus sécuritaire.

Extraits d’un article dans le de juillet 2022.

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