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Uber-Macron
Après de longues et houleuses négociations, le Parlement, les 27 États-membres et la Commission européenne étaient parvenus à un accord : une directive européenne sur la protection des travailleurs des plateformes basée sur la « présomption de salariat », qui aurait pu être plus ambitieuse, mais qui allait améliorer la vie de plus de 40 millions de travailleurs des plateformes en Europe (dont 4 millions en France).
Sauf que jusqu’au bout, Emmanuel Macron a manœuvré pour rassembler une minorité de blocage. L’eurodéputée insoumise Leïla Chaibi, qui a négocié cette directive pour le groupe de la Gauche européenne, souligne qu’un tel blocage est rarissime, à contre-courant et prouve que « le président français est bien le lobbyiste d’Uber ».
Macron a fait voter la France seule en faveur d’Uber, après avoir obtenu l’assurance des abstentions de l’Allemagne et de la Grèce (qu’a-t-il promis en échange ?) afin qu’il n’y ait que 63,5 % des voix, et non pas les 65 %, requis pour que passe la directive obligeant Uber à faire de ses salariés… des salariés !
Le Conseil de l’Union européenne ne pouvait adopter le texte en question à la majorité qualifiée qu’à deux conditions : si 55 % des États-membres – soit 15 sur 27 – votaient pour et si la proposition était soutenue par des États-membres représentant en cumulé au moins 65 % de la population totale de l’Union. La première condition a été largement remplie, notamment grâce au patient travail de persuasion de nos camarades de la Gauche européenne. Ce n’a pas été le cas de la seconde. Le lobbying de Macron vis-à-vis de l’Allemagne et de la Grèce a malheureusement porté ses fruits. C’est dire à quel point l’opération a été minutieusement organisée. Jusque dans ses moindres détails. C’est là la preuve d’une adhésion idéologique totale. Macron est bel et bien le lobbyiste en chef d’Uber en Europe.Les liens « opaques » et « privilégiés » qu’entretient Macron avec Uber depuis 2017 ont été établis le 18 juillet 2023 par une commission d’enquête parlementaire placée sous la direction de la députée insoumise Danielle Simonnet. « C’est au mépris de toute légalité, et grâce à un lobbying agressif auprès des décideurs publics, que l’entreprise américaine est parvenue à concurrencer de manière déloyale » les taxis, affirme le rapport dans son introduction. À sa lecture, on apprend que, parmi les membres de la commission d’enquête, douze députés ont validé le rapport final – tous ceux issus de la NUPES, du groupe LlOT ou du RN -, mais les dix députés Renaissance et leurs alliés, ainsi que l’unique élu LR, se sont abstenus. La commission d’enquête, pendant six mois, a auditionné 120 personnes, dont deux anciens Premiers ministres, Bernard Cazeneuve et Manuel Valls, ainsi que d’anciens dirigeants d’Uber pour cerner les agissements du groupe en France entre 2014 et 2017. L’affaire a été déclenchée par la révélation des « Uber Files », soit la fuite de 124 O00 documents internes recueillis par Mark McGann, ancien lobbyiste pour le compte d’Uber, et communiqués au journal britannique The Guardian. Selon des éléments mentionnés dans le document par la rapporteuse Danielle Simonnet, Uber a eu également « 34 échanges avec les services du président de la République entre 2018 et 2022 ».
Non seulement Uber a financé et soutenu Macron dès 2015-2016 (dans des proportions inconnues encore à découvrir), mais il y a un profond accord idéologique entre eux ! Démocratie & Socialisme l’avait analysé dès 2017 : le libertarien masqué qu’est Macron s’était prononcé, dans son livre injustement intitulé Révolution, pour une société sans statuts, sans Code du travail, sans cotisations sociales, une société « post-salariale ». c’est-à-dire une société « ubérisée ».
Extrait d’un article de Gérard Filoche dans le mensuel de la Gauche Démocratique et sociale de mars 2024.