Police et pouvoir

Comment changer les choses, alors ?

Si on démêle le nœud des violences policières, on remonte a un autre nœud : le pouvoir. La fonction de police a été créée pour maintenir un système de privilèges, protéger le pouvoir, pas la population. La police nationale a été créée par le maréchal Pétain (un décret de 1941 étatise les polices municipales et regroupe les services sous l’égide de la police nationale, NDLR). Ça explique beaucoup de choses, notamment politiquement. On retrouve en support de cette mécanique le système médiatique qui, à chaque crime policier, criminalise la victime. Ce scénario s’est ancré dans l’inconscient collectif. Il suffit d’allumer la télévision pour constater l’énergie consacrée à lisser l’image de la police et à la faire passer pour ce qu’elle n’est pas.
L’omerta interne arrive bien derrière, en réalité. Dans chaque affaire, quand une victime ou une famille s’exprime, on lui oppose la parole d’un syndicat de police. C’est insupportable. Cette construction « parole de victime » versus « collègue du coupable » est inimaginable dans d’autres luttes. C’est comme si, pour évoquer une affaire de violences sexuelles en politique ou dans les médias, on appelait PPDA ou Strauss-Kahn ! Le syndicat est censé protéger le salarié qu’il représente. Or, là, il le soutient jusqu’au crime. Puis viennent les préfets et le ministre de l’intérieur, en soutien systématique de ceux qu’ils dirigent.
Le pouvoir ne peut pas se désolidariser de sa police. S’il le fait, il disparaît : soit la police lâche le pouvoir, soit elle le prend.

Vous pensez que le pouvoir politique est prisonnier de cette dépendance ?

C’est ce qu’a déjà constaté l’écrivain Maurice Rajsfus, survivant de la rafle du Vel d’Hiv – contrairement aux membres de sa famille, raflés par la police française. Il a effectué un long travail sur les violences policières et constaté, au début des années 1990, la militarisation de la police et la survenue d’un déséquilibre : la police a pris le dessus sur le politique.
Désormais, quand la police demande, la police obtient. Mi-décembre 2018, en plein mouvement des gilets jaunes, alors que la France est dans la rue et s’inquiète pour ses fins de mois, en 24 heures, la police obtient 300 euros d’augmentation ! Le pouvoir ne peut pas se passer d’elle. La police est désormais entrée en politique.

Extrait d’un entretien de Laurent Théron dans un numéro hors-série de Politis en novembre 2022.

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