nation start-up : baudruche macronienne

Le projet du président Macron, faut-il le rappeler, était que la France devienne une « nation start-up ». Autrement dit, que son économie (capitaliste) soit dynamisée par de jeunes entreprises « innovantes » en capacité de « lever » des capitaux importants en vue d`une très forte croissance économique. […]

Pour mener un tel projet, les grandes institutions économiques du pays ont été mobilisées. L’accès au crédit a été favorisé par la Banque de France et Bpifrance (banque publique d’investissement). Les cerveaux de l”université et du CNRS ont été choyés. Les mesures politiques se sont succédé : loi travail (pour la flexibilité), suppression de l’ISF (pour les investisseurs internationaux), prélèvement forfaitaire unique (allégeant la fiscalité sur l’épargne), etc. Pour quel résultat ?

Tout d’abord, une marche triomphale. Début 2023, […] Les start-ups croissent comme champignons après la pluie dans 76 nouveaux sites industriels ! La « réindustrialisation » est En Marche !, notamment dans des secteurs de « pointe ». Avec un pognon qui coule à flots : 3,8 milliards d’euros – 2 millions par start-up – dont 410 millions de flouze public. Les travailleurs utiles savent où passent certains de leurs impôts… A peine un an plus tard, patatras ! Les données publiées par la Banque de France sont sans appel. Au cours de ces dix-huit derniers mois, près de 130 start-ups « matures » ont mis la clef sous la porte, […]

Les raisons de la débâcle ? Principalement la hausse des taux d’intérêt qui vient révéler la formidable supercherie start-uppienne. Lorsque Macron lance son offensive innovante, le principal taux directeur de la Banque de France – qui détermine le taux d’intérêt auquel les banques commerciales prêtent aux entreprises – est à… O % ! Il passe à 0,5 % en 2022 pour afficher 4,25 % aujourd’hui. Or qu’est-ce, fondamentalement, qu’une start-up ? C’est une entreprise qui pompe du pognon auprès des banques et des investisseurs et, pour les trois quarts d’entre elles, ne dégage aucun bénéfice ! Comment les farceurs du cabinet McKinsey pouvaient-ils conclure que les investisseurs y obtenaient des rendements cinq fois plus élevés que dans une entreprise « classique » (la vieille économie ringarde qui produit des voitures ou de l’acier) ? Alors que, en contradiction avec le cœur du capitalisme, les start-ups ne faisaient aucun profit ? C’était tout bête : il suffisait de se rémunérer généreusement sur le capital ! Lorsque l’argent ne coûte rien, et qu’il est garanti par le budget public, tout va bien : il abonde et le jeu continue. […]

[…] les start-ups n`ont jamais représenté qu’une part totalement insignifiante de l`économie française. Les menteurs macroniens n’ont certes jamais cessé d`aligner des chiffres aussi grandioses que bidons, nous expliquant que les jeunes pousses innovantes se comptaient par centaines de milliers et employaient jusqu`à 1,5 million de personnes ! Fadaises, fondées sur des statistiques agrégeant aux spéculateurs start-upeurs des PME beaucoup plus solides (s’appuyant notamment sur des grands groupes). Les grands succés capitalistes issus des start-ups se comptent sur le doigt d’une main (comme Doctolib). Lorsque les quelque 2000 start-ups françaises auront disparu, pesant effectivement 114 000 emplois, personne ne s’en apercevra. Tout le baratin macronien n’aura en effet jamais concerné qu’une part fort ridicule de l’économie française, servant essentiellement une offensive idéologique capitaliste 2.0 à la gloire de la high-tech et des entrepreneurs innovants. Et pour lesquels il fallait « réformer » la France. La classe dominante va devoir bientôt nous servir un autre récit. Nul doute que ses idéologues s’y sont déjà mis. La débâcle des start-ups ne nous débarrasse donc évidemment pas pour autant de la croissance numérisée qui continue de s’élaborer dans des institutions (universités, grands groupes industriels et financiers) autrement plus solides que feu les start-ups macroniennes.

Extraits d’un article de Denis Baba dans le journal La Décroissance de novembre 2024.

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