L’État-gendarme plutôt que l’État-providence

Un contrat républicain pour faire barrage à l’extrême droite, c’est là-dessus qu’Emmanuel Macron a été élu et réélu. Mais il gouverne avec l’extrême droite. À l’Assemblée, la majorité a donné deux vice-présidences au Rassemblement national (RN) alors qu’il n’y avait aucune nécessité. La loi contre l’immigration a été adoptée avec le RN. Le pouvoir reprend la grammaire et le vocabulaire de l’extrême droite.
Dans le même temps, une catastrophe écologique est en cours et on ne fait à peu près rien. Le techno-solutionnisme que l’on nous vend est une illusion paresseuse. On est frappé par le niveau d’irresponsabilité et d’incompétence d’un « pouvoir » à la faiblesse inédite : ignorance des principes fondateurs de la République, démagogie, absence de vision, le désinvestissement coupable dans l’éducation et la recherche en témoigne.

Emmanuel Macron a-t-il un projet pour le pays ?
A chaque fois qu’une décision est prise, c’est la pire qui est retenue. On nous a vendu un produit politique. À l’été 2016, la patronne de l’agence Bestimage, Michèle – Mimi – Marchand, a fabriqué un type génial qui ne dort jamais. Une vieille ficelle du XXe siècle utilisée par Mussolini ou Hitler. Elle a récidivé avec Gabriel Attal en insomniaque. Cette construction marketing a marché auprès d’une population social-démocrate en rupture avec le Parti socialiste (PS) qui avait investi Benoît Hamon, trop à gauche pour eux. Les hollandistes ont choisi ce qui leur permettait d’être de droite sans le dire, et acheté un faux jeune, nourri au néolibéralisme des années 1950 et 1970, ainsi qu’un faux intellectuel, qui n’a brillé, dans son parcours, que par l’exercice de la note de synthèse, l’épreuve reine à Sciences po et à l’ENA, qui demande d’être rapide, et qui fait l’économie de la culture, de la réflexivité et de l’humour… Sa pratique du pouvoir est prédatrice et destructrice, du néolibéralisme pur jus : la destruction de l’État-providence et le massacre des services publics avec un État qui voit sa fonction répressive des mouvements sociaux renforcée. L’État-gendarme plutôt que l’État-providence.

Le quoi qu’il en coûte est-il à son crédit ?
Il est prévu par les néolibéraux dès les années 1950. On peut ruiner les finances publiques s’il faut sauver l’État et le système capitaliste, d’autant plus que cela creusera la dette et donnera un argument pour justifier de nouvelles coupes dans les dépenses sociales. La froideur cynique et l’absence totale d’empathie, patentes dans le cas de Macron, sont une vertu néolibérale, plus encore dans une économie financiarisée.

Début d’un entretien de l’historien Johann Chapoutot dans Siné mensuel de juin 2024.

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