Les banques centrales au service du capitalisme financier

Les banques centrales, actrices majeures du capitalisme financier, conduisent des politiques monétaires qui vont à l’encontre des urgences écologiques et sociales. instituée à la fin des années 1970 avec la révolution néolibérale, la doctrine des banques centrales repose sur deux piliers : en premier lieu, lutter contre l’inflation, considérée comme un phénomène monétaire, doit être l’objectif prioritaire des banques centrales ; en second lieu, les banques centrales doivent être indépendantes des gouvernements dont les politiques sont suspectées de nuire au fonctionnement des marchés.

Cette doctrine a montré ses limites à l’occasion de la crise financière de 2008 : les banques centrales ont été amenées à intervenir massivement pour éviter les faillites bancaires et l’effondrement des marchés financiers, piliers du capitalisme financier mondial. Ce faisant, les banquiers centraux ont dérogé aux dogmes de leur neutralité par rapport aux marchés et de la séparation entre les politiques anti-inflation et de stabilité économique et financière.

Mais en 2022, les banques centrales ont renoué avec leur orthodoxie, à la suite de l’accélération de l’inflation déclenchée par les hausses de prix de l’énergie consécutives à la guerre en Ukraine. Elles n’ont pas hésité à durcir leur politique en remontant brutalement leurs taux d’intérêt. Elles se sont comportées en « pompiers – pyromanes », illustrant l’impasse dans laquelle elles se sont enfermées.
En effet, cette hausse brutale des taux d’intérêt a non seulement provoqué une crise bancaire aux États-Unis et en Suisse, mais elle a compromis le redressement des économies de la zone euro au bord de la stagnation en 2024, et elle renvoie encore à plus tard un financement aisé des investissements nécessaires.

Loin de défendre l’intérêt général, les banques centrales se comportent en défenseurs du capitalisme financier. Les grandes bénéficiaires sont les banques qui profitent des taux d’intérêt élevés. En renchérissant la dette publique, elles portent atteinte aux politiques et aux investissements publics.

Une réforme des banques centrales et de la politique monétaire est nécessaire face aux enjeux du XXIe siècle. Deux changements s’imposent : démocratiser les banques centrales afin qu’elles ne soient plus gouvernées en fonction des intérêts de la finance ; et ériger la bifurcation écologique et sociale au rang des priorités, ce qui implique d’immuniser les investissements verts contre les variations de taux d’intérêt, et de sanctuariser les dépenses publiques dans le cadre d’une véritable planification écologique et sociale.

Article de Dominique Plihon dans Lignes d’attac d’octobre 2024.

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