Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
Le scandale made in France de notre alimentation
Sur 28 millions d’hectares de terres agricoles dont dispose la France – « assez pour nourrir la population française et même plus » – 43% sont dédiés à l’exportation, soit « plus de la moitie des surfaces céréalières, fruitières et maraîchères, et un quart des surfaces d’élevage », avec une efficacité limitée, car la balance commerciale du secteur (excédentaire) est « largement tirée par l’industrie agroalimentaire, c’est-à-dire les produits transformés, à forte valeur ajoutée, au premier rang desquels se trouvent les vins et spiritueux ».
Céréales et carcasses sont donc importantes en quantité (et en surface) mais beaucoup moins en valeur. Inversement, un quart du lait produit en France, soit près de 6 milliards de litres, est exporté sous forme de poudre et autres produits laitiers (pour 9 milliards d’euros), alors que nous importons l’équivalent de 5 milliards de litres de lait pour la fabrication d’aliments industriels.
Un système d’autant plus absurde que les filières exportatrices sont très dépendantes d’intrants importés. « Nous importons chaque année 8,5 millions de tonnes d’engrais pour fertiliser nos cultures, créant une dépendance à l’égard de la Russie ou du Maroc, qui disposent des minerais et du gaz pour les produire, [mais aussi] 4millions de tonnes de soja d’Amérique du Sud pour nourrir notre bétail » dans des élevages industriels qui polluent nos eaux aux nitrates. Notre assiette quotidienne est aussi remplie de produits importés, frais ou transformés, mobilisant 10 millions d’hectares (la taille de l’Islande) a travers le monde. Tandis qu’ « un tiers des fruits tempérés et légumes que nous consommons est importé », « nous avons perdu la moitié des surfaces de vergers et 75 % des surfaces en légumes » entre l950 et 2020. Sans parler des produits bruts, comme le blé dur, que nous exportons pour ensuite les importer transformés, par exemple sous forme de pâtes.
Si encore la population y trouvait son compte… mais c’est loin d’être le cas au vu de la précarité alimentaire croissante et de la mauvaise santé de la population, due aux régimes alimentaires trop riches et déséquilibrés. Pire : les exportations françaises, loin de « nourrir le monde », « fragilisent ou empêchent le développement de filières locales dans les pays tiers », tandis que nos importations génèrent entre autres la déforestation de l’Amazonie. Quant aux agriculteur-rices, d’ici 2030, ils ne seront plus que 400 000 en activité.
« Les soutiens publics au système agroalimentaire s’élèvent à 48 milliards d’euros en 2027, de quoi financer une politique alimentaire ambitieuse, mais ces montants sont peu utilisés comme levier pour faire évoluer notre système alimentaire. » Par exemple, le programme national nutrition santé (doté d’l,l million d’euros) se focalise sur le changement de comportement et la responsabilisation des individus à travers les campagnes « Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé » ou le Nutriscore. Des études prospectives montrent qu’il est encore temps de redresser la barre afin de bien manger tout en préservant les terres.
Et c’est peut-être le local qui montre la voie au national, à travers la multiplication de projets alimentaires territoriaux associant élus, société civile et citoyens dans la réappropriation des enjeux alimentaires et la reterritorialisation de leur alimentation (cultures, élevages, mais aussi unités de transformation), malgré les freins en termes de compétences et de moyens. Le rapport de Terre de liens fourmille d’exemples inspirants et se clôt sur des recommandations pour réorienter la PAC, démocratiser le système alimentaire, massifier les installations, encadrer les acteurs de l’aval mais aussi redonner du pouvoir aux territoires. Un outil à placer sur la table des négociations de la future PAC 2028, et, auparavant, entre les mains de tous-tes les candidat-es aux municipales 2026.
Extrait d’un article dans Transrural initiative de janvier 2025.