Le mythe du désenclavement

Dans les conclusions de l’enquête publique concernant l’A69, il est d’ailleurs écrit : « Le dossier indique que le principal avantage du projet réside dans l’impact économique favorable qu’il aura sur le bassin de vie Castres/Mazamet grâce au désenclavement du territoire qu’il permettra. Hormis quelques affirmations sur l’effet positif qu’ont eu des infrastructures similaires ailleurs en France, aucune démonstration concrète n’est présentée ni aucun chiffrage évalué. »

Depuis des décennies. des spécialistes de l’aménagement du territoire et des économistes pointent le fossé entre les données scientifiques et l’utilisation, voire l’instrumentalisation, du mot « désenclavement » (via les infrastructures de transport) par les politiques. Par exemple, en 1993, l’ingénieur en urbanisme Jean-Marc Offner publie dans la revue L’Espace géographique un article au titre éloquent : « Les effets structurants du transport : mythe politique, mystification scientifique », dans lequel il affirme : « Qu’il s’agisse du chemin de fer au XIXe siècle ou des autoroutes françaises, des métros des années 1980, des premières lignes de train à grande vitesse, ces équipements ne constituent pas forcément un « plus » (plus de zones d ‘activités, de sièges sociaux, de commerces, d’habitants, de clients, de touristes, d’étudiants, de chiffre d ‘affaires, de plus-value immobilière). Les analyses soulignent un processus majeur : l’amplification et l’accélération des tendances préexistantes. »

Des associations de terrain en arrivent aux mêmes conclusions. Dans sa note argumentant son avis défavorable donné au projet de RN 88 entre Saint-Hostien et Le Pertuis, France Nature environnement Haute-Loire décrit les exemples de Moulins et d’Aurillac : « Largement désenclavée et accessible (A77), Moulins est une ville aujourd’hui très fragile, où les départs d’actifs sont supérieurs aux arrivées, tandis qu’Aurillac est en quelque sorte protégée par son enclavement : elle maintient une polyvalence de ses activités. Les acteurs économiques ne veulent pas voir qu’une infrastructure routière fonctionne dans les deux sens : si elle peut irriguer un territoire, elle le draine aussi.

Extrait d’un article de Vanina Delmas dans Politis du 13 juin 2024.

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