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Le greenwashing macroniste
Après avoir été sacré champion de la Terre, Emmanuel Macron veut devenir le champion des océans. Organisation de plusieurs sommets internationaux, opposition à l’exploitation minière des fonds marins : en surface, le contrat est rempli. Mais lorsqu’on plonge dans les profondeurs, la réalité est bien plus sombre. Alors que les indicateurs de la santé du milieu marin virent un à un au rouge, les macronistes ont trouvé la recette pour apparaître du bon côté de l’histoire : soutenir des propositions qui semblent ambitieuses et écologiques, tout en détricotant leur contenu.
Dernier exemple en date, le 12 juillet, avec l’adoption in extremis (à 336 voix contre 300) de la loi sur la restauration de la nature au Parlement européen. Celle-ci vise à imposer aux États la reconstitution de 20 % des espaces terrestres et maritimes détériorés par les activités humaines d’ici à 2030, mais sans objectif concret. Pourquoi ? Face à une droite conservatrice majoritaire au Parlement, viscéralement opposée au texte, et à une gauche qui souhaitait une loi ambitieuse, Renew Europe – parti libéral dans lequel siègent les macronistes – était ravi d’être le faiseur de roi. Avant de se féliciter de son adoption, ils ont œuvré en interne – dans les commissions pêche et agriculture – pour dévitaliser ce texte crucial pour la survie des écosystèmes.
Participer à la destruction sociale et environnemental, puis s’autocongratuler : la stratégie est désormais bien connue. Le secrétaire d’État à la Mer, Hervé Berville, en a aussi usé pour s’ériger en héros des pêcheurs français lorsque la Commission européenne a proposé d’interdire les pratiques de pêche destructrices dans les aires marines protégées d’ici à 2030. Le secrétaire d’État a alors nourri la colère de tous les professionnels du secteur en racontant que « ce plan condamnerait la pêche artisanale française et l’amènerait à disparaître. Pas dans dix ans, demain ». Déclaration choc car ce texte, non contraignant pour les États, proposait au contraire de préserver la ressource du pillage des industriels, en faveur des pêcheurs artisans aux techniques moins invasives. Trop tard. Instrumentalisés par le discours de Berville, les pêcheurs ont manifesté leur colère contre les normes qui étoufferaient le secteur, jusqu’à brûler les locaux de l’Office français de la biodiversité à Brest. Pour éteindre l’incendie qu’il avait lui-même allumé, le secrétaire d’État a conduit une délégation de pêcheurs à la Commission. Une séquence de communication dont il est sorti triomphant, en assurant que le plan européen ne serait pas contraignant pour les États. Le mépris originel pour les pêcheurs s’est transformé en moment de gloire – illusoire – pour la Macronie.
Mais le spécialiste du double jeu reste Macron lui- même. Ainsi, son fameux One Ocean Summit à Brest – organisé deux mois avant l’élection présidentielle de 2022 – n’était en réalité qu’un conglomérat d’une petite vingtaine d’États, de nombreuses multinationales et start-up volubiles sur leurs solutions pour lutter contre les pollutions marines. Le président français a quand même tenu le cap de l’opportunisme écolo en réitérant avec orgueil que la France a dépassé l’objectif de 30 % d’aires marines protégées. Mais est-ce vraiment une fierté quand des engins de chalutage ratissent encore ces zones qu’on croyait être des sanctuaires pour la biodiversité ? Les scientifiques sont formels : en France, seules 1,7 % des aires marines protégées sont vraiment protégées, les autres sont encore trop permissives avec les activités industrielles. Les sauveurs autoproclamés des océans jouent en réalité dans le même camp que les destructeurs. Mais pas de panique, le président français a annoncé vouloir « faire de 2025 l’année des océans ». À quand le numéro vert ?
Article de Rose-Amélie Bécel et Vanina Delmas dans Politis du 20 juillet 2023.