La légende du maïs OGM

La légende voudrait que le maïs hybride exploite un phénomène génétique mystérieux, l’hétérosis, qui aurait permit un bond soudain de rendement […]

Ce n’est que récemment que je me suis rendu compte que la technique de sélection du maïs hybride (ce que fait concrètement le sélectionneur) n’exploite pas l’hétérosis, mais tout simplement une fraction de la diversité naturelle des populations ou variétés de maïs, puisqu’elle consiste à remplacer cette diversité naturelle par des « copies » de la meilleure plante sélectionnée au sein de la variété – par un clone.
Avec comme conséquence que cette technique de sélection ne permet d’espérer qu’un gain de rendement limité et ponctuel ! C’est l’exact opposé de ce que l’on raconte depuis un siècle.
Ceci aurait sauté immédiatement aux yeux si le biologiste qui propose en 1908-1909 cette technique de sélection ne l’avait pas mystifiée par des considérations génétiques absconses.

Bien sûr, l’aveuglement d’une communauté de généticiens, sélectionneurs, agronomes, tous intellectuellement alertes et rompus aux débats, s’explique par leur soumission inconsciente aux exigences du système industriel.

Puis arrive le scandale Terminator en 1998 : la technique permet de fabriquer des plantes dont la descendance est stérile. C’est la fin de la pratique fondatrice de l’agriculture, semer le grain récolté. La production est des lors séparée de la reproduction. Cette nécrotechnologie confirmait totalement ma thèse sur le maïs hybride au moment où l’exploitation de l’hétérosis devenait l’objectif des sélectionneurs et généticiens du monde entier « pour nourrir la planète et protéger l’environnement ».

Les classes dominantes ont toujours justifié leur domination par des forces supérieures, Dieu sous l’ancien régime, la Nature avec la bourgeoisie. Mais qui peut croire que pour améliorer les
plantes, il faut leur interdire de se reproduire ? En vérité, il s’agit de naturaliser un processus social. Avec l’hétérosis, le monopole du semencier (du capital) prend la forme fantastique d’une relation entre les gènes.

[…]

Le paysan savoyard d’autrefois redescendait à l’automne de ses alpages avec ses grands ronds de fromage de 30-40 kg pour les échanger sur le marché contre ce qui lui était nécessaire. Une fois ses besoins satisfaits, le cycle économique était fermé.
Avec le capitalisme, le point de départ c’est l’argent investi pour produire des marchandises qui sont, si tout va bien, vendues et transformées en argent.
Ce qui n’a de sens que si la quantité d’argent obtenue est plus grande que celle qui a été investie. L’expansion et la croissance indéfinies deviennent des nécessités structurelles et sont la religion – ce qui relie, qui soude – notre société qui, sinon, exploserait. Au moindre ralentissement, c’est la panique !

Pour l’État et le capital, l’autonomie de ce paysan savoyard était une menace à leur emprise. Il a fallu le faire passer à la moulinette de la « modernisation » pour mettre fin à cette autonomie paysanne en transformant ce paysan en marché – en l’éliminant. L’agriculture a été vidée de sa substance. Elle a été remplacée par un système agro-industriel et les paysans par des « exploitants ».
Le ministère de l’Agriculture est maintenant celui de l’Agro-industrie, mais il est essentiel de le cacher.

Extraits d’une interview de Jean-Pierre Berland dans le journal La Décroissance de septembre 2019.

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