La France et le sionisme

En 1942 a lieu la conférence de l’Hôtel Biltmore, à New York, où les représentants du mouvement sioniste international revendiquent la création d’un État juif. La priorité est alors de combattre le « Livre blanc » de 1939 qui limite l’immigration en Palestine à 15 000 personnes par an, seule concession des Britanniques à la révolte arabe de 1936-l939. Si l’Agence Juive, organisation sioniste créée en 1929 et alors dirigée par David Ben Gourion, ne s’oppose pas frontalement aux Britanniques, ce n’est pas le cas de la droite sioniste : l’Irgoun et le Lehi – dit aussi groupe Stern du nom de son fondateur Avraham Stern – multiplient les assassinats et les attentats meurtriers.
C’est à cette période que remontent les liens entre les Forces françaises libres du Levant, alors basées en Palestine, et le mouvement sioniste, notamment lors de la campagne de Syrie. La Haganah (milice sioniste contrôlée par l’Agence Juive) fournit des facilités logistiques aux gaullistes ainsi qu’une assistance technique.

Le conflit mondial terminé, la guerre entre Britanniques et groupes sionistes se poursuit en Palestine. La France, déjà évincée de la Syrie et du Liban par les nationalistes arabes grâce au soutien des Britanniques, n’entend pas être exclue de la région et apporte ainsi son soutien aux groupes sionistes. En 1945, Ben Gourion est à Paris où il organise le combat contre les Britanniques. Il retrouve de nombreux alliés de la cause sioniste dans la classe politique, tel Léon Blum, alors à la direction de la SFIO. Le Lehi installe de son côté un centre opérationnel dans la capitale française. De là, il coordonne une campagne de lettres piégées à destination d’officiels britanniques. La France est alors une base logistique des troupes sionistes, elle héberge de nombreux camps d’entrainement de la Haganah.
Le soutien français passe aussi par l’appui à l’immigration juive en Palestine depuis la côte varoise. André Blumel, proche de Blum et délégué officieux de la Haganah, intervient auprès du ministère de l’Intérieur pour accélérer
le transit des immigrants ainsi que des armes transportées par bateau. Il héberge chez lui une antenne émettrice à disposition du réseau de surveillance de la Haganah, tolérée par le ministère de l’Intérieur, qui permettra au « Mossad pour l’immigration clandestine » d’affréter plusieurs navires.

À la libération, les gouvernements européens s’inquiètent du devenir des réfugiés des camps nazis, notamment des troubles que pourrait créer leur retour chez eux, alors que l’antisémitisme est encore virulent en Europe (comme en témoigne en 1946 le pogrom de Kielce en Pologne). Le projet d’État juif en Palestine est perçu comme un moyen de « se débarrasser » des réfugiés. Les États occidentaux, États-Unis inclus, maintiennent leurs portes fermées aux réfugiés juifs durant et après la guerre, écartant de fait « toute solution à la question des Juifs rescapés du nazisme qui ne fut pas celle du retour à la « terre promise ».

Début d’un article de Nicolas Passadena dans Alternative Libertaire de mai 2024.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *