Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
Haro sur les pauvres et les chômeurs
Macron trône à l’Élysée et gouverne la France, Meloni siège au palais Chigi et préside le Conseil des ministres italien. Selon les éditorialistes patentés, tous les deux sont des extrémistes. À l’extrême droite du centre ou à l’extrême centre de la droite ? On ne sait pas très bien. Les appellations varient, comme souvent aujourd’hui. Une chose est cependant certaine : tous les deux ont fait en 2022 la même promesse de campagne : celle de durcir les conditions d’accès au revenu minimum (le revenu de solidarité active, RSA, en France ; le revenu de citoyenneté ou reddito di cittadinanza, en Italie).
Lui parle de « ceux qui ne travaillent jamais ». Elle dit qu’elle préfère « le travail et la fierté à l’argent de poche et au divan ». Lui et ses sbires martèlent que « le RSA, c*est un aller simple pour la précarité ». Elle dit que « le revenu de citoyenneté vous maintient là où vous êtes, il n’y a pas d’échappatoire ». Voilà pour l’idéologie. Cherchez la nuance.
Aujourd’hui en France, 5,6 millions de personnes sont contraintes dans leur offre de travail, soit 1 million de plus qu’en 1990. Elles sont au chômage ou en sous-emploi, ou bien dans le « halo » du chômage, souhaitant travailler mais découragées dans leur recherche ou empêchées, plus ou moins durablement. En France, cette population précarisée en manque d’emplois représente selon Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, environ 15 % de la population active. Soit 20 % de plus que la moyenne européenne, deux fois plus qu’en Allemagne, trois fois plus qu’en Pologne… Bref, la précarité de masse s’est durablement installée en France depuis trente ans. Faite d’allers-retours entre petits boulots à petits salaires, intermittence, chômage plus ou moins long. La situation est encore plus dramatique en Italie, où près d’un actif sur cinq subit cette précarité. Voilà pour les faits.
Principale différence entre la France et l’Italie : la méthode. En Italie, le revenu minimum passera à la guillotine début 2024 et ne sera plus accessible qu’aux « inaptes » au travail. Pour les autres, Meloni a prévu un mini « chèque d’inclusion » temporaire de douze mois maximum. Travaille ou crève ! En France, ce sera le garrot technocratique, avec inscription obligatoire à Pôle emploi pour tous les allocataires – ainsi que leur conjoint – et signature d’un « contrat d’engagement ». Obligation de traverser la rue vers le prochain café ou restaurant en mal de petit personnel ? Probablement. Rien à voir avec le double droit instauré par le revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988, comme le rappelait Bertrand Fragonard, ancien délégué interministériel au RMI dans les années qui ont suivi sa création. Le droit au RSA sera conditionné à un devoir « d’activité ». Sinon ce sera la case radiation, avec suspension de l’allocation. Aujourd’hui déjà, un tiers des personnes qui y ont droit ne demandent pas le RSA. Ce sera sans doute bien davantage encore demain. Le travail à marche forcée. France, Italie : vous préférez la copie ou l’original ?
Article de Pierre Concialdi dans Siné mensuel de septembre 2023.