Fascisation de l’État

– Ces derniers temps, l’exécutif pioche également sans vergogne dans la phraséologie d’extrême droite. « Décivilisation » chez Macron, « terrorisme intellectuel de l’extrême gauche » chez Darmanin…

 

– C’est le deuxième aspect. La fascisation, ce n’est pas simplement synonyme de montée des partis fascistes ou néofascistes. Il s’agit aussi et surtout d’une préparation à un État policier détruisant toute forme de contre-pouvoir – politique, syndical, etc. – et s’appuyant sur une idéologie spécifique capable d’atteindre l’oreille d’une partie des masses, notamment petite-bourgeoises. Cette idéologie spécifique au fascisme c’est une idéologie de régénération par purification, qui prétend faire renaître la nation ou la civilisation en l’épurant des éléments « allogènes » (étrangers, minorités) et des « traîtres » (la gauche dans toutes ses composantes).

 

Ce qui se joue actuellement, c’est une fascisation d’une partie au moins des appareils idéologiques. On pense aux « grands » médias, en particulier autour de l’empire Bolloré, mais on oublie trop souvent que les partis et le personnel politique dominants fonctionnent aussi comme des appareils idéologiques. Or l’emploi de mots et de concepts centraux dans la langue néofasciste est constant depuis l’arrivée au pouvoir de Macron : « submersion migratoire », « ensauvagement », « islamo-gauchisme », etc. Donc ça ne relève pas du hasard. Macron pensait avoir fait le vide sur sa gauche, il a donc voulu stratégiquement occuper le terrain de la xénophobie et du racisme pour écraser LR et mordre sur l’électorat du RN. Ce faisant, il ne pouvait que banaliser et légitimer encore un peu plus les obsessions
de l’extrême droite. En somme, une forme de préparation idéologique à un pouvoir néofasciste.

 

– Au-delà des mots, il y il la mise en œuvre concrète d’une politique qui participe activement à cette fascisation : police toujours plus puissante et violente (même hors répression du mouvement social), stigmatisation et criminalisation des étrangers et des personnes racisées…

 

– Oui, la fascisation au sens de préparation à un pouvoir fasciste ou néofasciste n’est pas seulement idéologique. Elle est aussi matérielle : la transformation de l’État dans le sens d’un État d’exception peut commencer avant la conquête du pouvoir par les fascistes. Et là, on peut enchaîner les faits : concentration du pouvoir dans l’exécutif à un niveau sans précédent (même dans le cadre d’une Ve République particulièrement présidentialiste, pour ne pas dire bonapartiste), lois liberticides accroissant l’arbitraire d’État (asile-immigration, sécurité globale, séparatisme…), militarisation de la police, répression policière et judiciaire jamais vue depuis des décennies – dans le cas des Gilets jaunes notamment, mais le traitement de la manifestation de Sainte-Soline se situait dans le prolongement direct de cette répression.

Extrait d’un entretien d’Ugo Palheta dans le journal CQFD de juin 2023.

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