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Fantômes du passé et droite israélienne
Et puis, des « Hitler », on en a trop connu – de l’Égyptien Nasser à Arafat, et même Rabin – dans le discours de la droite israélienne. Car les fantômes du passé rôdent aussi sur Gaza et la Cisjordanie. Netanyahou rêve visiblement d’une nouvelle Nakba, cette épuration ethnique qui, en 1948, avait poussé hors des territoires palestiniens une population désarmée et terrorisée. Faute de pouvoir y parvenir, il se livre à un génocide.
Le mot fait mal parce qu’il renvoie la population juive à sa propre tragédie. Mais que dire d’autre quand des nouveau-nés meurent d’une famine sciemment organisée ? De même, parler de « fascisme » quand les colons et les militaires se livrent en Cisjordanie à ce qui ressemble à des « pogroms » n’est plus exagéré. « Pogrom » : encore un mot sorti d’un
lointain lexique après l’attaque du Hamas, le 7 octobre, mais qui nous semble tout aussi justifié pour décrire les méthodes des colons en Cisjordanie. Eux qui, comme le suggère l’exacte définition du dictionnaire, sont « encouragés par un gouvernement ».Le spectacle des massacres sans fin de Gaza, et l’inertie des États-Unis et de l’Union européenne, malgré les effets de menton et les sacs de farine, est aussi le ferment monstrueux d’un antisémitisme qui ne peut que se propager. Nous ne sommes pas dans les années 1930, mais il y a décidément des ressemblances.
Que faire de cette mémoire ? On relit avec inquiétude les pages du Monde d’hier dans lesquelles Stefan Zweig décrivait l’insouciance tranquille de ses amis viennois en 1938.
Netanyahou et Poutine ont encore un point commun qui nous renvoie au passé : une propagande triomphante, construite de longue date, qui assure à leurs guerres, sinon à leurs personnes, un soutien qui les autorise à tous les crimes. Non sans qu’ils exaltent eux-mêmes les fantômes du passé. Poutine prétend combattre le « nazisme » en Ukraine, et Netanyahou, une menace de destruction d’Israël, alors qu’il détruit la Palestine.
Mais n’allons pas chercher trop loin les signes d’amnésie. Nos mémoires sont fragiles. Les Portugais semblent déjà avoir oublié Salazar, un demi-siècle après la Révolution des œillets. Et, chez nous, un tiers des électeurs s’apprêtent à voter pour les héritiers de Pétain qui sont aussi les amis honteux de Poutine. Cette lecture de l’histoire serait toutefois trop simpliste si l’on ne pointait pas la lourde responsabilité de nos libéraux qui discréditent la démocratie, et de feu les Travaillistes israéliens qui en 2000, ont préféré se saborder que d’admettre la création d’un État palestinien. Poutine et Netanyahou ne viennent pas de nulle part.
Extrait d’un article de Denis Sieffert dans Politis du 14 mars 2024.