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Extrêmes droites et fascisme
[…] nous imaginons souvent que nos pays en auraient fini avec les formes de barbarie des siècles précédents, alors même que celles-ci ont eu principalement l’Europe pour épicentre. Que ce soit l’esclavage, le colonialisme, le fascisme, les guerres mondiales et bien sûr le génocide des juifs d’Europe et des Roms commis par les nazis ; cela sans nier les atrocités commises ailleurs par des pouvoirs tyranniques. Disons que, dans l’imaginaire dominant des pays d’Europe, on réserve la barbarie, la dictature ou les politiques d’épuration ethnique à des pays lointains, d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie. Or ce nationalisme radical de purification qu’est le fascisme est bien né sur le Vieux Continent et n’a pas disparu dans les décombres du bunker d’Hitler en 1945, comme le rappelait souvent l’historien du fascisme Zeev Sternhell.
Après l’éclipse de l’après-guerre, dans une Europe traumatisée par le second conflit mondial, le fascisme a été contraint de muter pour renaître et reprendre sa marche en avant. À partir des années 1970, chaque crise lui a permis de progresser, à des rythmes différents selon les pays. En centrant son activité sur la scène électorale et médiatique, il a adopté la guerre de position comme stratégie politico-culturelle, au sens de Gramsci. Même si des petits groupes violents se développent dans son sillage en cherchant à tenir la rue et, pour cela, en commettant des agressions contre les minorités (ethno-raciales, de genre, sexuelles) et les militant-es féministes, antiracistes, antifascistes et de gauche. Jusqu’à commettre des attentats, pour certains militants fascistes isolés.
[…] le déni a longtemps été plus fort en France qu’ailleurs, parce qu’on s’imagine bien souvent que notre pays serait une sorte de phare de l’humanité : la « patrie des droits de l’homme ». Certains historiens ont même prétendu que la France avait été « allergique » au fascisme au XXe siècle : du fait notamment de la profondeur de l’ancrage des idées républicaines et de l’existence d’autres traditions à droite, le fascisme n’aurait pas pu trouver de terrain favorable et donc se développer.
Or c’est oublier qu’il y eut des mouvements de masse authentiquement et indéniablement fascistes dans les années 1930 (par exemple le Parti populaire français de Jacques Doriot), que d’autres mouvements de masse (comme les Croix-de-Feu) avaient plus qu’un air de famille avec le fascisme, et que le régime de Vichy fut une dictature qui emprunta nombre de ses traits au fascisme (en particulier à sa variété portugaise que fut le salazarisme).
C’est aussi oublier à quel point l’un des principaux axes de propagande des fascismes européens, à savoir l’antisémitisme, fut central et endémique dans la politique française dès la fin du XIXe siècle et jusqu’au milieu du XXe siècle. C’est oublier enfin combien la République fut compatible avec l’entreprise coloniale, et tout ce que celle-ci comportait de politiques de déshumanisation, de hiérarchisation raciale, d’accaparement de biens, etc. Des traits qui sont bien communs avec le projet fasciste. Rien d’étonnant, donc, à ce que, parmi les fondateurs du FN, se soient mêlés des collaborationnistes (pétainistes) et des nostalgiques de l’Algérie française dont certains se vantaient même d’avoir torturé pendant la guerre coloniale.
Extraits d’un entretien d’Hugo Palheta dans Politis du 14 avril 2022.