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Dette et fiscalité
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre François Bayrou a justifié les coupes budgétaires drastiques engagées dans le budget 2025 par la « dette abyssale » de l’État. Le même sermon est réitéré depuis près de 20 ans par les partisans des politiques néolibérales : nous aurions vécu au-dessus de nos moyens, il faudrait donc faire des efforts, réduire les dépenses publiques, travailler davantage, etc.
Ce discours culpabilisateur, ciblant les dépenses publiques, fait l’impasse sur le rôle majeur des baisses d’impôt et autres diminutions de recettes publiques dans l’augmentation de la dette ces dernières années.
Plusieurs travaux en attestent. Ceux de la Cour des comptes, par exemple, relève que les baisses d’impôts et de cotisations ont contribué à la dégradation du déficit public et modifié la structure des recettes des différentes administrations publiques.Depuis 2008, le niveau de dépense publique est resté globalement stable (exception faite de l’année 2020 au cours de laquelle la dépense publique a joué un rôle d”amortisseur). La hausse de la dette s’explique certes par le coût des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire (fonds de solidarité, chômage partiel, etc.) et les investissements publics. Mais les baisses d’impôt en représentent également une large part.
Une remise en perspective est donc nécessaire. Dans un rapport publié fin mars, Attac et le CADTM proposent de démontrer, chiffres à l’appui, comment la diminution des prélèvements obligatoires (impôts et recettes de la Sécurité sociale) a creusé les déficits et alimenté la dette. Cette analyse revient sur les principales mesures prises en matière fiscale en France pendant les quinquennats Macron (de 2017 à 2023) et au-delà (de 2014 à 2017). Il s’inscrit dans le prolongement du rapport du Collectif pour un audit citoyen de la dette publique publié en mai 2014.
Les résultats de notre étude sont édifiants. La politique fiscale menée par Emmanuel Macron a tout particulièrement contribué à l’augmentation spectaculaire de la dette publique depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Selon nos calculs, tous basés sur les données officielles, le coût des baisses de prélèvements, représente un manque à gagner cumulé net avec 307,39 milliards d’euros sur la période 2018 à 2023. Ce montant compte pour près de 35 % de la hausse de la dette sur cette période.
Il résulte de l’application d’une réforme fiscale résolument en faveur des plus riches et des grandes entreprises : baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés, des impôts de production, mise en place du prélèvement forfaitaire unique, remplacement de l’ISF par un impôt sur la fortune immobilière… Si la législation fiscale et le niveaux des recettes sociales avaient été figés depuis 2017, entre 2018 et 2023, la dette publique s’élèverait à 2793,81 milliards d’euros, soit 99 % du PIB et non de 109,9 %.
La baisse des recettes publiques est particulièrement marquée depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, mais cette tendance était déjà à l’œuvre sous le précé dent gouvernement. Si la législation fiscale et le niveaux des recettes sociales avaient été figés depuis 2013, entre 2014 et 2023, la dette publique s’élèverait à 93,8 % du PIB.Le rapport publié par Attac et le CADTM permet également de démontrer la vacuité de la théorie du ruissellement, qui sert de justification aux promoteurs des baisses d’impôts et de prélèvements de toutes sortes.
Selon l’économie de l’offre et la théorie du ruissellement, les baisses d’impôts favorisent la compétitivité, la croissance et l’emploi et génèrent ainsi des recettes fiscales et sociales supplémentaires. Dans notre calcul, nous prenons en compte ces éventuels « retours d’impôt » provoqués par les mesures examinées. Ces surcroîts de recettes n’ont toutefois fait l’objet que de peu d’évaluations a posteriori. Les quelques travaux menés sur le sujet (notamment par l’organisme France stratégie, rattaché au Premier ministre) sont toutefois instructifs. Globalement, il en ressort que les effets attendus ne sont manifestement pas au rendez-vous.
Article dans Lignes d’attac d’avril 2025.