Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
Détruire la sécurité sociale
Le 15 mars 1944 une poignée de héros, entraînant la société derrière eux, signait le programme du Conseil National de la Résistance : Sécurité sociale, retraites, services publics devenaient une réalité. Quatre-vingts ans plus tard, le 18 mars 2024, Bruno Le Maire fait la tournée des médias pour répéter, et prévenir : lui, comme Macron, comme Attal, rêve d’être le fossoyeur de ce grand rêve devenu réalité. « La gratuité de tout, pour tous, tout le temps : c’est intenable ! », tonne-t-il. Sa bêtise aussi. Car rien n’est gratuit : les services publics, la Sécurité sociale, droits arrachés de haute lutte, sont financés par ceux qui en bénéficient. Mais à l’heure où des milliards de ressources publiques sont détournés vers le secteur privé, leur politique, est claire, limpide, annoncée, même : détruire le programme du CNR (Conseil National de la Résistance), prendre aux pauvres, pour donner aux riches.
Détruire, en somme, l’héritage de nos héros… En 1944, « les destructions couvrent notre sol, rappelle le général de Gaulle dans ses Mémoires. Il manque des logements pour six millions de Français. Et que dire des gares écroulées, des voies coupées, des ponts sautés, des canaux obstrués, des ports bouleversés ? Quant aux terres, un million d’hectares sont hors d’état de produire, retournés par les explosions, truffés de mines, creusés de retranchements. Partout, on manque d’outils, d’engrais, de plants, de bonnes semences. Le cheptel est réduit de moitié. Nos finances sont écrasées d’une dette publique colossale, nos budgets condamnés pour longtemps à supporter les dépenses énormes de la reconstruction. » Et c’est sur ce champ de ruines qu’ils instaurent la Sécurité sociale ! Et les retraites ! Et le service public !
À ces fous à lier on enverrait la camisole. Vite, une piqûre ! C’est qu’en plein cauchemar, ils avaient fait un rêve. Au cœur de la nuit nazie, dans les prisons, dans les maquis, dans l’exil, les résistants imaginant « les jours heureux », songent éveillés à l’ « éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », à « un plan complet de sécurité sociale », à « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours », bref, à « une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction ». Des cocos aux cathos, syndicalistes, socialistes, droite patriote, à l’unanimité, tous signent au printemps 1944 ce « Programme du Conseil National de la Résistance ».
La libération obtenue, leur rêve deviendra largement réalité : « En l’espace d’une année, relate avec fierté le général de Gaulle, les ordonnances et les lois promulguées sous ma responsabilité apporteront à la structure de l’économie française et à la condition des travailleurs des changements d’une portée immense. » Et d’ajouter que « les privilégiés » ne bronchent pas : « Sur le moment, tous, mesurant la force du courant, s’y résignent aussitôt et d’autant plus volontiers qu’ils avaient redouté le pire. »
C’est que règne la peur chez les possédants. Les maquis viennent de se soulever. Les armes sont aux mains des gueux. Avec le Parti communiste, première formation du pays, les ouvriers sont organisés. Bref, les choses pourraient très mal tourner. Alors, mieux vaut ne pas les énerver. Endurer. Patienter. Bien vite, le souffle de révolte va retomber. Et les banquiers, industriels, patrons de presse vont se ressaisir, défendre leurs intérêts, répéter que « les réformes vont trop loin ». On connaît la chanson. Et maintenant ? La France est la septième puissance économique mondiale. Son territoire n’est menacé d’aucune invasion. Ses firmes accumulent les milliards de bénéfices, même par temps de « crises », 148 milliards pour le CAC40 en 2023, record à nouveau battu. Ses grands magasins sont bourrés de produits, pour la plupart inutiles. Malgré cette prospérité, ils, les mêmes, les banquiers, les industriels, les patrons de presse – nous l’affirment aujourd’hui encore : « Ce n’est plus possible. Regardez les déficits. Regardez la dette. Regardez la courbe démographique. »
Début d’un dossier dans le journal Fakir de mai 2024.