Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
Démocratie participative : un juteux marché
Pour la Convention citoyenne pour le climat en 2019 et 2020, Eurogroup avait associé Missions publiques et Res Publica aux prestations d’animation, qui s’élevaient alors à 1,9 million d’euros. Concernant la Convention citoyenne sur la fin de vie, le budget de l’animation atteint 1,382 million. La prestation est attractive, « même si les cabinets de conseil assurent qu’ils ne le font pas pour l’argent », estime un sénateur membre de la commission d’enquête sénatoriale après l’affaire McKinsey. « C’est vrai : ce n’est pas le budget de l’État qui fait le chiffre d’affaires de ces cabinets. Mais ce type de missions permet d’entretenir leur influence. C’est un système. »
Recourir à des prestataires est légal. Le caractère systématique de ce fonctionnement interroge cependant. Car l’État n’externalise pas la démocratie participative de façon ponctuelle. Depuis quelques années, la pratique est presque automatisée. […]Et ce n’est pas près de s’arrêter. Le 18 septembre 2022, le Cese lance un appel d’offres intitulé « Accompagnement des opérations de participation citoyenne ». Les résultats sont publiés le 9 mars 2023. Dans ce marché qui se compose de cinq lots, Eurogroup obtient le premier avec cinq plus petites entreprises. Il doit donc « animer des dispositifs participatifs » comme des conventions citoyennes. Une mission estimée à 650 O00 euros. Quant au quatrième lot, qui concerne les « analyses et les synthèses de l’expression citoyenne », c’est Roland Berger, un autre très important cabinet de conseil (870 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022), accompagné de trois autres attributaires. qui rafle la mise, estimée à 350 000 euros. La facture est salée. […]
En avril 2021, la DITP lance un appel d’offres pour accompagner le CIPC « dans la conception, la mise en œuvre et le suivi de dispositifs de participation citoyenne ». Un contrat de 2,8 millions d’euros. Dix mois plus tard, Roland Berger, accompagné d’une autre entreprise, se voit attribuer le pilotage des « dispositifs de concertation », de la « capitalisation » et de la « valorisation » des résultats, estimé à 180 O00 euros. Mais il n’est pas certain que le cabinet de conseil s’occupe lui-même de remplir ces missions puisque le contrat stipule qu’il est possible que celles-ci soient sous-traitées. Encore.
« Depuis sa création, le CIPC met en relation les ministères et les administrations centrales avec des professionnels de la participation. Le CIPC, ce n’est rien de plus qu ‘un carnet d’adresses », critique Guillaume Gourgues.
Le système semble si bien huilé qu’il ne risque pas de se gripper. Juste avant l’été, la DITP publiait un énième appel d’offres. Un appel loin d’être famélique puisque l’accord-cadre est estimé à 49 millions d’euros. Le lot qui touche aux prestations d’ « intelligence collective et de facilitation » pourrait atteindre 10 millions.
Extraits d’un article de Lucas Sarafian dans Politis du 31 août 2023.