Climate Chance : foutage de gueule durable

Le climat méchant sera dompté par les villes. Faut le savoir. Nantes, pas peu fière, a accueilli le sommet « Climate Chance », entre la COP 21 à Paris et l’édition 22 à Marrakech. La parole est aux agglos, aux multinationales, experts, banquiers, et à quelques ONG pour crédibilise le volet « solutions ». Certains ne rêvent que de placer dans le texte final (qui n’est que la énième résolution de bonnes intentions) une ligne ou deux défendant leur cause, eau, agriculture, finance, ou la mentionnant juste, en espérant « peser sur les États ».

La maire PS de Nantes, Johana Rolland, ressasse que « la société civile est force de pression ». Cette force civile a une gueule de chimère, mixant assos d’écolos dûment subventionnées, PME pleines de fougue et d’innovation et multinationales futées misant sur la transition énergétique pour s’ouvrir de nouveaux marchés juteux.
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Pour montrer qu’on embarque le populo dans la croisade, une semaine d’animations est baptisée « Jours de chance pour le climat », offrant théâtre d’impro et slam pour « le réchauffement de vos zygomatiques » et pour un abonnement au vélo à péage souscrit, deux mois offerts ou une initiation à la pêche en rivière dans 1’affluent de la Loire, l’Erdre, une vraie soupe de cyanobactéries polluée depuis des lustres par les rejets de pesticides agricoles et les trop-pleins d’eaux de pluie urbaines.

Mais la contradiction est aussi ironiquement entre local et global. D’un côté la planète à sauver, urgence mondiale aux mains d’experts, de l’autre, une zone humide toute proche menacée d’évacuation violente. La ville est dans la droite ligne de l’hypocrite label « capitale verte » européenne arboré en 2013, ignorant la destruction des terres agricoles, la biodiversité ratiboisée pour construire un aéroport en plein bocage.

La Zone à Défendre de Notre-Dame-des-Landes est menacée d’attaque imminente par une armada de flics et gendarmes, 3000, dit-on. Autant que de participants à ce sommet climatique contre lequel une manif a été appelée. Le préfet a aussitôt interdit l’initiative des deux collectifs « À l’abordage » et « Stop Climate Chance », nommément désignés dans l’arrêté.
Illico, un groupe baptisé « Stop foutage de gueule durable » a appelé à la même manif, qui n’a pas fait 500 mètres avant d’être nassée dans une rue à l’écart du palais des congrès où l’on discute au sommet. Sous le staccato de l’hélico, le climat local est sous tension.

Malgré la mise de fonds de Nantes Métropole de 500 000 euros pour cet événement de trois jours, les intervenants viennent à leurs frais et 80 bénévoles ont été recrutés : bénévoles de la médiation, du live tweet et du renseignement sourire aux visiteurs.
Place to B, un réseau aux airs de boîte de com cherche comment « écrire le nouveau récit climatique, ou les bons mots permettent d ‘interpeller et de mobiliser la société civile », en « cultivant de nouveaux imaginaires » censés « dépasser les paroles catastrophistes, culpabilisantes et les jargons en tout genre ».
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Avec son rutilant slogan « la ville durable et désirable », Bouygues masque qu’en juin dernier, l’0NG WWF, pourtant pas des plus combatives, l’a épinglé pour sa consommation de bois d’œuvre, dévastatrice en Amazonie, au Congo, à Sumatra, où la déforestation fournit le BTP en destroyant les écosystèmes.
À Nantes, Bouygues a envoyé son chef de service immobilier pour vanter les immeubles performants en énergie, « mettant particulièrement l’accent sur l’importance de ce type de bâtiments dans l’attractivité des territoires. Collectivités ou géants du BTP, tous veulent des retours sur investissements. Rentabilité d’image ou de dividendes en gardant la croissance, le PIB, le productivisme et les profits comme univers indépassable, repeint en vert.

Extraits d’un article de Nicolas de la Casinière dans le mensuel CQFD d’octobre 2016.

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