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Biocarburants
La FNSEA l’avait bien compris, l’avenir de l’agriculture française, c’est l’industrie des biocarburants. Rien n’avait été laissé au hasard et tout est allé très vite. En une décennie le décor était planté dans le paysage français.
Les trémolos et envolées lyriques des élus dans l’hémicycle sur l’indépendance énergétique et l’emploi, les succions assurées des subventions de la PAC et de l’État, sans oublier l’image de marque affinée au greenwashing… bref le package promotionnel de lancement de son nouveau réseau de biocarburants fut très tôt irréprochable à tous les points de vue. Le Syndicat de l’agrobusiness avait tout prévu et planifié avec brio à l’échelle nationale… sauf peut-être que Total partage aussi vite son point de vue et décide de faire cavalier seul en lançant au national sa filière végétale internationale. Le géant pétrolier tricolore, lui aussi, a su accélérer son aggiornamento dans le renouvelable pour faire du blé et de l’oseille dans la filière des biocarburants.
On les avait presque oubliés dans le bruitage médiatique des bonnes intentions des COP au chevet du réchauffement climatique et, durant les années 2000, leur filière s’était retrouvée largement éclipsée par la brutale ruée générale sur les hydrocarbures non conventionnels – gaz de schiste et sables bitumineux. Ainsi avec la puissance de frappe politique de la FNSEA, et contrairement aux autres « énergies vertes », les biocarburants ont pu discrètement et très rapidement s’intégrer dans le paysage agricole français.
Dans le même temps, presque aussi vite, mais pas suffisamment pour arrêter l`imposture, le vrai visage mortifère de la filière avait été démasqué. Nul ne l’ignore aujourd’hui, les biocarburants font des ravages à l’échelle de la planète et avec l’huile de palme on a la totale : la déforestation, l’écocide, la pollution bien sûr mais aussi la ruée actuelle d’accaparation des terres, la guerre aux chaumières, les expropriations et, spécificité culturelle française du temps, de sordides marchandages de l’industrie de l’armement tricolore avec les juntes militaires.
Et, facteur aggravant, contrairement aux hydrocarbures non-conventionnels qui ne peuvent être exploités que là où sont les gisements, les biocarburants, huile de palme en tête, arrivent avec le potentiel d’expansionnisme qu’en moins d’une décennie il était possible de décrire un nouvel impérialisme avec ses millions de victimes à l’echelle planétaire.
Début d’un article de Jean-Marc Sérékian dans la revue Les Zindigné(e)s de septembre 2018.