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Baisse tendancielle du taux de profit
L’accord de Turnberry (Écosse), signé le 27 juillet dernier entre Donald Trump et Ursula von der Leyen, marque bien plus qu’un épisode de tension commerciale transatlantique. Pour la première fois depuis 1945, l’Europe accepte une mise sous tutelle économique explicite, contractuelle. 15 % de droits de douane sur l’essentiel de ses exportations (contre moins de 5% en 2022), mais aussi la promesse d’acheter pour 750 milliards de dollars d’énergie fossile américaine, 600 milliards d’investissements supplémentaires sur le sol états-unien et une hausse des dépenses militaires sous bannière otanienne. Derrière le langage policé de la « coopération transatlantique », une réalité crue s’impose : Washington dicte, Bruxelles s’exécute. Résumer Turnberry, comme l’a fait une grande partie de la presse française, à un simple « revirement protectionniste » apparaît dès lors comme réducteur. L’accord condense les contradictions profondes du capitalisme contemporain. Le libre-échange, matrice de l’expansion capitaliste depuis la fin des années 1970, semble aujourd’hui se retourner contre ses initiateurs.
Le régime d’accumulation capitaliste contemporain repose historiquement sur deux vecteurs complémentaires. D’un côté, l’extension géographique des marchés avec l’intégration dans le circuit mondial de centaines de millions de travailleurs et consommateurs issus de la Chine, de l’Inde et de l’Europe de l’Est. De l’autre côté, l’intensification de la production, appuyée par une diffusion à grande échelle de l’automatisation, de l’informatisation et de formes organisationnelles toujours plus extractives. Cette double dynamique a permis une remontée temporaire du taux de profit dans les années 1990 et 2000. L’ouverture chinoise a joué un rôle moteur en comprimant les coûts salariaux mondiaux et en élargissant les débouchés. Mais, cette expansion a aussi nourri ses propres limites. La suraccumulation de capital au détriment du facteur travail – seul producteur de valeur – débouche sur des crises de surproduction : les capacités productives excèdent les débouchés, les salaires stagnent ou reculent, et la rentabilité globale finit par s’éroder. Un phénomène que les marxistes connaissent bien et nomment la baisse tendancielle du taux de profit.
L’économiste Michael Roberts estime ainsi que le taux de profit américain du secteur non financier a chuté de près de 27 % entre 1945 et 2021.
De son côté, Michael Smolyansky, économiste à la Réserve fédérale (FED), a montré que près de 40 % de la croissance des profits des entreprises américaines depuis les années 1980 provient non pas de la dynamique propre du capital productif, mais des politiques monétaires et fiscales – baisse des taux d’intérêt et réduction des impôts sur les sociétés. Autrement dit, si l’on raisonne à politique inchangée, la tendance sous-jacente reste bien celle d’une rentabilité déclinante. Surgissent alors les réponses politiques libérales, dont l’une des fonctions est de contrebalancer la tendance baissière. Celles-ci permettent d’accroître la mobilisation directe du facteur travail en allongeant, par exemple, la durée de vie active (réforme des retraites) ou en remettant en question les temps de repos (suppression de jours fériés), tout en étendant l’emprise du capital sur de nouveaux champs de valorisation parla privatisation des services publics.
Début d’un dans le mensuel CQFD de septembre 2025.