Agriculture productiviste et état des terres agricoles en France

: Le rapport sur l’état des terres agricoles en France, publié par Terre de liens en février 2022, nous enseigne que depuis 70 ans, nous avons perdu 12 millions d’hectares agricoles sur les 39 millions que nous comptions à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale.
Pour donner une image plus saisissante, « c’est une surface équivalente à plus de cinq villes comme Paris qui, chaque année et depuis 40 ans, perd ses fonctions agricoles et environnementales ».
C’est la capacité à nourrir une ville comme Le Havre que l’on perd chaque année.
Alors que le nombre d’agriculteurs a chuté : il reste moins de 400 000 fermes contre 2,28 millions en 1955. Nous perdons entre 150 et 200 fermes par semaine.

L’agriculture productiviste est victime d’un système que nous avons cru vertueux et salvateur à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.
Après la mécanisation, la deuxième révolution agricole, celle de la chimie, s’est finalement révélée catastrophique car elle est mortifère pour une faune qui n’est pas visible, celle des sols. Il ne fait pas bon être un ver de terre, un collembole ou tout autre membre de la pédofaune exterminé par les pesticides.
Certes, les rendements ont augmenté mais de manière inversement proportionnelle à la qualité des aliments produits. Manger cinq fruits et légumes par jour issus de l’agriculture chimique est un slogan discutable dans la mesure où c’est également ingérer des dizaines de
molécules de synthèse et très peu de minéraux dont la valeur nutritive est essentielle à notre santé.
Dans tous les pays de la planète, la sécurité alimentaire est menacée à cause de l’épuisement des sols.

[…]

Est il possible d’arrêter ce processus d’artificialisation des terres agricoles sans s’en prendre à la logique d’expansion économique ?
C’est tout le problème de nos sociétés « développées », elles mettent en avant l’économie avec des paramètres comme le PIB, l’emploi, etc., qui passent bien avant l’intérêt général, dont l’environnement et l’alimentation sont des fondamentaux. Il faut changer de paradigme, prendre celui du bons sens paysan plutôt que celui du profit qui nous mène droit dans le mur. Bien sûr qu’il faudra limiter l’artificialisation des sols agricoles car il s’agit de notre autonomie alimentaire, c’est donc vital. En reprenant les chiffres du rapport de Terre de liens, on comprend qu’à ce rythme d’artificialisation, nous perdrons notre autonomie alimentaire d’ici quelques décennies. Celle des grandes aires urbaines françaises n’est que de 2 %. Historiquement, lorsque les populations avaient faim, elles manifestaient et les régimes en place tremblaient. Les émeutes de la faim d’après la crise de 2008 nous le rappellent. Nous avons besoin de toutes nos terres agricoles non seulement pour notre autonomie mais également pour nourrir une partie de la population mondiale. Sans compter l’impact environnemental de la spécialisation de l’agriculture dans la plupart des pays avec des monocultures dévastatrices pour la biodiversité, et l’impact social des traités de libre-échange qui fragilisent notre agriculture. Mais les décisions politiques à prendre ne sont pas entrées dans les consciences car la très grande majorité de la population est urbaine, déconnectée de la terre donc de la nourriture.

Extraits d’un entretien de Dominique Ducreau dans le journal La Décroissance de février 2023.

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