Pourquoi vous devriez vous informer autrement ? La réponse dans cette vidéo.
Du pluralisme et de l’indépendance de la presse
Au contraire, à force de parler du même point de vue, celui du consumérisme triomphant imposé par son modèle économique, la presse-prospectus a rendu sa liberté trop souvent formelle.
Certes, tout n’est pas à rejeter, il y a beaucoup de journalistes intègres et de bons articles. Bernard Maris disposait, sur France Inter, de quelques minutes d’antenne par semaine pour exprimer une vision un peu différente de l’économie. Mais pour le faire, il devait accepter de se voir couper la parole en permanence par un idéologue qui a le droit d’éditorialiser tous les jours, sans aucun contradicteur pour vanter les mérites de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée qui est à l’économie ce que l’obscurantisme est à la religion, c’est à dire une pure violence imposée aux êtres humains.
France Inter n’est pas un exemple anodin. C’est l’un des organe de presse de grande audience le plus pluraliste. C’est dire, pour reprendre les mots de Arendt (que l’on peut lire comme une réflexion sur le crime contre l’humanité comme crime contre la pluralité), à quel point l’espace de l’information est devenu un « désert » dans lequel les défenseurs du capitalisme sont livrés à leur solitude, totalement coupé de l’altérité que constitue la pensée critique.Le combat de Charlie contre la publicitéc’est le combat pour la laïcité, c’est à dire un combat pour l’indépendance, garante de la pluralité nécessaire à la démocratie. Le mot d’ordre « ni Dieu, ni maître », cher à nos joyeux anarchistes dit aussi que l’on ne doit pas accepter d’avoir un maître. Comme Libé l’a appris à ses dépends lorsqu’il a perdu un contrat suite à un article déplaisant pour son annonceur, la publicité tue aussi le droit à l’information.
Il y a ce matin une réelle émotion à France Inter, je suggère une façon de rendre hommage à l’équipe de Charlie : arrêter le pluralisme factice consistant à donner 1 % du temps de parole à la pensée critique et inviter chaque jour un véritable économiste – Jean-Marie Harribey, Jacques Généreux, Frédéric Lordon, Christian Chavanieux, Serge Latouche pour ne citer qu’eux – puis inviter Dominique Seux le vendredi pour débattre avec lui. Lorsque la pensée critique aura rattrapé son retard de temps de parole, alors il sera temps de nous infliger à nouveau Dominique Seux tous les matins.
Extrait d’un article de Laurent Paillard dans le mensuel Les Zindigné(e)s de février 2015.