« À quoi bon débattre ?” se demandent ainsi parfois celles et ceux qui, las de l’omerta des porteurs de projet, s’échinent pourtant à participer aux débats publics organisés par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Dans ses conclusions au débat sur la construction de six réacteurs EPR2, la CNDP soulignait l’absence de réponse d’EDF au sujet du coût total de ces projets et du financement de ceux-ci ? En juin 2025, EDF se refusait toujours à avancer un chiffre définitif malgré des estimations régulièrement revues à la hausse. La dernière en date : autour de 100 milliards d’euros selon Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’Énergie. Soit près du double du chiffre initialement annoncé.

Au cours du débat sur le projet de construire deux EPR2 au Bugey, les associations ont interpellé à plusieurs reprises la Commission Particulière du Débat Public (CNDP) : pourquoi poursuivre le débat en l’absence de ces informations ? Le garant du débat lui-même a fait part de ses doutes dans une lettre adressée au président de la CNDP, restée seulement trois heures sur le site internet de la Commission : « EDF nous avait assuré que l’actualisation des coûts interviendrait durant le débat. […] Ne pas connaître le coût et le financement [du programme d’EPR2] – et par là le prix prévisionnel de l’électricité produite par ces équipements – constitue à notre sens une grave lacune dans le droit à l’information et à la participation du public. […] Notre CNDP s’est réunie mardi 25 février pour envisager les suites à donner au débat public dans ce contexte : doit-on continuer le débat public mais sans disposer de ces informations importantes sur le projet ?”. La CNDP s’est justifiée : « l’organisation d’un autre débat serait complexe », « une concertation continue lui succédera », « EDF fournira des réponses dans une réunion dédiée ».

Mais lors de la réunion « Quels coûts ? Qui finance ? », qui s’est tenue le 6 mai en visioconférence, les militant-es n’ont pas appris beaucoup plus que ce qu’iels savaient déjà. Agacées par ce flou ambiant et les passe-droits dont bénéficie l’électricien, les associations présentes à la dernière séance du débat public qui s’est tenue le 13 mai 2025 à Saint-Vulbas, dans l’Ain, ont brandi des pancartes pour dénoncer l’absence de démocratie en matière de nucléaire.

Organe démocratique majeur, la CNDP se retrouve elle aussi au pied du mur nucléaire, à devoir jouer selon ses règles. Pourtant, même avec un levier d’action limité, cette instance semble constituer une épine dans le pied des industriels, notamment atomiques, les consultations ralentissant la mise en place de leurs projets. Des députés Républicains et Rassemblement National sont même allés jusqu’à proposer des amendements dans la loi de simplification de la vie économique visant la suppression pure et simple de la CNDP.

Extrait d’un article dans la revue Sortir du nucléaire de l’été 2025.

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