La folie de la méthanisation

Les concurrences engendrées parla méthanisation sur la biomasse sont déjà telles qu’il devient difficile pour certains éleveurs de trouver de la paille, du fourrage ou ne serait-ce que des betteraves, pour certains bergers des prairies de faire paître leurs moutons… Normal, puisque les multinationales du pétrole nouent des partenariats avec les grandes succursales de l’industrie agro-alimentaire pour rafler la biomasse (Total Energie avec Cristal Union par exemple). Des concurrences qui nécessitent d’importer plus d’alimentation, de toujours plus loin, augmentant aussi les émissions de gaz à effet de serre. Dans un scénario récent, tout cumulé, l’ADEME envisage pour 2050 que la moitié de la SAU (surface agricole utile) métropolitaine et le tiers des forêts seront utilisés pour faire du gaz… de quoi s’inquiéter sérieusement pour notre souveraineté alimentaire bien avant cette date.

Les plus de 2 O00 méthaniseurs en service en France équivalent à seulement 6 % de la consommation de gaz naturel. Et ces 6 % nécessitent déjà la surface de presque un département français de cultures. Sans une once de diminution de l’utilisation de gaz naturel.

Les multinationales telles que Total Energie, Engie, Shell, Veolia, Suez, Paprec, ENI, EXXON… se sont emparées de la méthanisation et rachètent les petits équipementiers originels (Vol-V par exemple). Mais ce sont des groupements d’agriculteurs qui portent les méthaniseurs, avec juste 51 % des parts. Ce qui leur donne le droit de s’appeler « agricoles » et de bénéficier de subventions. La stabilité des emplois liés aux méthaniseurs ne peut par conséquent pas être garantie, quand les agriculteurs méthaniseurs se retrouvent face aux rouages des géants financiers de l’énergie. Rappelons que les 2 000 méthaniseurs en service actuellement n’ont créé qu’environ 1 500 emplois directs.

Les quelques milliards d’euros de subventions ayant servi depuis une dizaine d’années à la construction des méthaniseurs ne sont rien face aux tarifs de rachat du gaz et aux exonérations diverses de cette filière. A 150 euros pour chaque MWh délivré, la France se lance dans une vaste dépense de subventions qui représenteraient 30 milliards d’euros par an si l’on atteint les 200 TWh de bio-méthane, soit moins de la moitié du gaz naturel consommé aujourd’hui. Quels agriméthaniseurs en profiteront, sinon les plus gros céréaliers et éleveurs pouvant prétendre aux prêts bancaires de plusieurs millions d’euros ?
L’attribution des subventions est donc injuste, allant uniquement à ceux qui n’en ont pas besoin, et pas aux plus vertueux, permaculteurs, agroforestiers, bio locaux… Avec plus d’un million d’euros de subventions par emploi direct créé, juste pour la construction des méthaniseurs, monsieur le Premier ministre, voilà un poste d’économie possible ! A l’heure où l’Allemagne se désengage de la méthanisation, il est franchement inopportun que la France s’y enlise.

Extrait d’un article de Daniel Chateigner dans L’écologiste d’avril 2025.

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