Le meilleur des mondes et 1984

Que dire aux jeunes ? Que c’est trop tard bien sûr. Mais qu’il n’est jamais trop tard, non pas pour réparer car l’irréparable est fait, mais tout au moins pour limiter les dégâts. Que l’on ne peut vivre sans espoir. Que l’on ne peut vivre résigné. Que seuls les jeunes ne connaissent pas la résignation : les vieux ont été laminés par le conditionnement quotidien.

Vous êtes jeunes ? Alors commencez par lire Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, et George Orwell, 1984. Les adultes qui n’ont pas lu ces deux livres ne comprennent pas ce qui leur arrive. Et seuls ceux qui les ont lus ont une petite chance de comprendre et de réagir. Petite chance, car certains les ont lus tout en restant quand même , aveugles et insouciants et cyniques.

Ce n’est pas des informations que nous recevons : ce n’est que du conditionnement. Pour échapper à ce conditionnement, il nous faut choisir des informations critiques, qui échappent aux canaux spontanément disponibles.
Souvenez-vous : lorsque c’est gratuit, le produit, c’est vous ! Car ils n’ont pas besoin de votre argent, ils en ont déjà trop, beaucoup trop, à ne pas savoir qu’en faire. Non, ce dont ils ont besoin c’est de votre cerveau disponible. Disponible pour accepter leur pouvoir, leur doxa, leur discours qui se veut rassurant, tel le serpent Kaa dans Le Livre de la jungle : aie confiance, tout va bien, ne réagis surtout pas, laisse-nous engranger nos profits et détruire le monde sans rien faire, continue à accepter ta situation d’assisté, dans laquelle tout t’échappe et rien ne t’appartient.

Tu as perdu ta dignité d’homme libre, et responsable, et autonome ? Qu’importe puisque tu ne t’en rends pas compte ! Qu’importe puisque tu profites du progrès ! Qu’importe puisque tu ne vois pas le regrès qui emporte tout sur son passage, tels les vers de feu, signes épouvantables du réchauffement climatique, aliens modernes tout à fait réels, dont les conséquences dévastatrices se verront après ; après que nous aurons engrangé encore plus de profits et juste avant que tout ne s’écroule. Privatisation des profits, socialisation des pertes et de la grande destruction du vivant. C’est bien à cela que nous allons être confrontés : faire face à la destruction du vivant, dont nous-mêmes, êtres humains, et alors nous ne pourrons pas compter sur les décideurs et les grandes fortunes et les milliardaires en dollars : il ne faudra compter que sur nous-mêmes, en local, entre voisins.

C’est cela le message à transmettre aux jeunes. Arrêtez de vieillir pour agir car le risque est trop grand pour baisser les bras ; il faut s’y mettre sans attendre. Reprendre notre souveraineté, retrouver notre dignité d’êtres souverains, riches de savoir-faire manuels qui nous ont permis depuis la nuit des temps de vivre de manière écologique avant même que le mot n’existe. Ne comptez pas sur les vieux, sur les grands : montrez l’exemple avant d’être trop vieux. Avant que la résignation ne vous envahisse. Ne raisonnez pas en consommateurs : redevenez producteurs. Producteurs de quoi ? De tout. Collectivement. En concertation. Comme le faisaient les anciens.

Courrier des lecteurs dans le journal La Décroissance de septembre 2024.

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