Macron et l’extrême droite

Les forces de l’ordre bénéficient d’une impunité à peu près illimitée. Ne serait-ce que parce que le même Macron qui, lorsqu’il faisait campagne en 2017, se montrait intransigeant sur le sujet des violences policières, défend, depuis son élection, une position exactement inverse et va même jusqu’à exiger qu’on « ne parle pas de répression ou de violence policière », car « ces mots sont inacceptables dans un État de droit ». On se rappelle surtout le moment hallucinant où les policiers qui avaient grièvement blessé Hedi à Marseille l’été dernier ont reçu, après leur mise en examen et un placement en détention provisoire, le plein soutien de leurs collègues, qui se sont en quelque sorte mis en grève pour protester contre la décision de justice. Mais aussi et surtout celui de Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, qui, plutôt que de les rappeler à leurs obligations professionnelles, a aussitôt déclaré comprendre leur « émotion » et leur « colère ». Ce haut fonctionnaire a défendu l’idée que ses troupes devraient bénéficier, contre toutes les règles de droit, d’une exception légale – et il a immédiatement reçu l’appui de Darmanin, qui s’est même engagé, selon certains de leurs représentants syndicaux, à « étudier la loi » pour essayer d’assurer aux policiers un statut judiciaire dérogatoire. Reste à savoir si ces concessions trahissent de la « peur » ou si elles sont une manifestation, parmi tant et tant (et tant) d’autres, du basculement autoritaire d’un régime qui en est tout de même, alors même qu’il a autorisé dans le passé des rassemblements néofascistes, à interdire des manifestations de soutien à la Palestine au prétexte que certain-es manifestant-es pourraient tenir des propos inconvenants…

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La Première ministre Élisabeth Borne et la plupart des membres de son gouvernement prennent soin, lorsqu’ils les (La France Insoumise) excluent verbalement du « champ républicain » – cette sinistre plaisanterie -, de toujours associer dans un même opprobre ce qu’ils appellent « l’extrême gauche », c’est à dire La France insoumise (LFI), et l’extrême droite. Ce qui est extraordinairement pernicieux : d’une part parce que la gauche insoumise, sagement sociale-démocrate, n’a vraiment rien d’une extrême gauche, et d’autre part, et surtout, parce qu’en suggérant ainsi, avec une obstination assez obsessionnelle, que l’extrême droite xénophobe et antisociale ne serait pas plus dangereuse que la gauche antiraciste et socialiste, les macronistes rendent à la première un immense service. En somme, même quand ils prétendent combattre – verbalement – l’extrême droite, ils la servent.

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Je rappelle, dès le tout début du livre, que les décennies qui ont précédé l’élection de Macron ont été ponctuées par des déclarations toutes plus gerbantes les unes que les autres de ses prédécesseurs – de Jacques Chirac et ses tristement célèbres considérations sur “le bruit et l’odeur » des “étrangers » à François Hollande déclarant qu’i1y avait « trop d’arrivées, d’immigration qui ne devrait pas être là » en passant évidemment par Nicolas Sarkozy, dont même le Conseil de l’Europe avait observé qu’i1 entretenait en France un « climat de xénophobie ». Macron, dans beaucoup de domaines, va beaucoup plus loin que ses devanciers, avec des signes très directs et très concrets en direction de l’extrême droite, 1orsqu’il banalise le recours à la brutalité policière, ou encore lorsqu’il attente jour après jour aux libertés publiques : ce sont ces traits, à mon avis assez nouveaux par leur ampleur et leur régularité, qui m’intéressent. Mais sur le sujet de l’immigration, ce que dit et fait Macron n’est pas vraiment pire, au fond, que ce qui s’est dit et fait depuis tant d’années : cela s’inscrit dans le droit fil d’une déjà longue tradition de dégueulasseries oratoires et législatives toujours recommencées. Paradoxalement, ce n’est pas là qu’il apparaît le plus nettement en fourrier du fascisme…

Extraits d’un entretien de Sébastien Fontenelle dans le journal CQFD de novembre 2023.

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