Sobriété collective et partageuse

Les limites physiques ont été trop longtemps ignorées : les ressources qui s’épuisent et les pollutions qui menacent la biodiversité et la survie de l’humanité imposent des remises en cause radicales de notre relation à l’environnement et de la primauté de la croissance économique.
Dans un monde où la rareté devient la règle, deux voies se présentent à nous : répartir équitablement les ressources de manière à, sauvegarder les usages essentiels, ou laisser un petit nombre les accaparer comme c’est le cas aujourd’hui. Les chiffres sont édifiants : les 10 % les plus riches consomment 20 fois plus d’énergie que les 10 % les plus pauvres, les 1% les plus riches émettent plus de CO2 que les 50 % les plus pauvres à l’échelle mondiale.
De plus en plus d’acteurs et d’actrices du monde associatif, académique, politique, économique appellent à une révolution copernicienne de l’organisation de notre société : les indicateurs financiers, comme le PIB, doivent laisser la préséance aux indicateurs environnementaux et sociaux, comme le bilan carbone, la consommation de ressources, la répartition des richesses. L’urgence d’un tel changement se fait plus pressant d’année en année.

La question de l’acceptation par la population d’une telle rupture et des mesures qu’elle suppose est souvent brandie pour justifier l’inaction. Or le Covid et le confinement ont contribué à faire évoluer nos attentes : ralentir, travailler moins, réfléchir au sens du
travail deviennent des exigences de plus en plus prégnantes. Et un mouvement indéniable est enclenché, en particulier dans la jeunesse, qui fait de la question environnementale une priorité absolue, au cœur de son choix de vie.
Il ne s’agit pas de minimiser les réticences, notamment d’une partie de la population prise dans « l’urgence de la fin du mois ». Mais l’exemple de la Convention Citoyenne pour le Climat, parmi d’autres, démontre que si l’on prend le temps du débat et de l’information,
les citoyennes sont prêt-es pour les nécessaires mesures de rupture.

[…]
Après avoir longtemps été caricaturé comme synonyme de régression, le concept de sobriété s’impose désormais dans le vocabulaire de ses plus farouches opposants d’hier. Il s’agit cependant le plus souvent d’un pur affichage visant à faire porter les efforts sur les plus pauvres en préservant les intérêts économiques des plus riches.

La sobriété doit être entendue dans une définition large : la préservation d’une planète habitable implique non seulement de réduire notre consommation d’énergie mais aussi celle de toutes les ressources – eau, métaux, biomasse, etc. L’impact délétère de nos modes de vie sur l’environnement ne se limite pas, en effet, au réchauffement climatique (pollution de l’air, de l’eau, des sols…).
Prise dans cette acception, la sobriété ne se résume pas à la « chasse au gaspi » et à l’injonction aux efforts individuels. Comme le relève une étude du cabinet Carbone 4, adopter un comportement « héroïque » ne suffirait pas : même si nous réalisions toutes et tous
les « petits gestes du quotidien » et les « changements de comportement plus ambitieux » (manger végétarien, ne plus prendre l’avion, faire systématiquement du covoiturage…), cela ne permettrait de réaliser que 25 % de l’effort nécessaire à l’atteinte de l’objectif de 2°C de l’Accord de Paris.
L’atteinte de ces objectifs multiples et complexes, tout comme l’adaptation aux conséquences déjà inéluctables de nos surconsommations, est avant tout un enjeu collectif qui impose de mobiliser tous les leviers : comportementaux, organisationnels et technologiques. Dans de nombreux secteurs, des leviers efficaces d’économies sont déjà à notre portée. Citons par exemple l’isolation des logements, la limitation de la vitesse sur routes et autoroutes, la diminution du poids des voitures, le développement des transports collectifs et du fret ferroviaire, le développement de l’alimentation végétale, bio et locale, notamment dans la restauration collective.

Extraits d’un article dans Lignes d’attac de janvier 2023.

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