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Le programme économique de la Nupes
L’autre grief favori des détracteurs du programme de la Nupes, c’est son financement. L’Institut Montaigne, groupe de réflexion néolibéral, estime à 331 milliards d’euros les dépenses publiques non financées et agite un risque pour la « souveraineté » de la France si le déficit devait exploser. Ce grand classique de l’argumentaire néolibéral, non moins idéologique que la politique qu’il combat, a été affaibli par les vastes plans de sauvetage et de relance de l’économie lancés durant la pandémie et financés par l’emprunt. Les économistes hétérodoxes entendent également s’affranchir du carcan de la dette publique, qui fixe un horizon court-termiste aux finances publiques. La question du financement interroge néanmoins certains économistes de gauche : « Les mesures alignées sont très coûteuses et risquent de nous mettre dans une situation délicate » s’inquiète ainsi Henri Sterdyniak.
Un effort particulier a pourtant été effectué par une kyrielle d’économistes et de sociologues rédacteurs du programme de l’Union populaire pour exposer son chiffrage. Côté dépenses, celle-ci avance 250 milliards d’euros supplémentaires par an, ce qui représente un budget de l’État en hausse de 18 %. À mi-chemin, selon leurs chiffres, entre ce qu’a réalisé Nicolas Sarkozy (+ 15 %) et ce que prévoit Joe Biden en 2022 (+ 27 %).
Programme économique de la Nupes, les recettes
Côté recettes, plusieurs leviers sont activés, comme la lutte contre l’évasion fiscale et une « révolution fiscale » qui rendrait l’impôt plus progressif, sur le revenu, sur le patrimoine et pour les entreprises. En plus du rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de la suppression de la « flat tax », seules mesures fiscales figurant à l’accord fondateur de la Nupes. Thomas Piketty, défenseur invétéré d’une réforme fiscale, valide : « Le programme fiscal de La France insoumise me semble très sérieux. C’est une excellente chose de transformer la taxe foncière en un impôt progressif sur le patrimoine net, en lien avec la réintroduction de l’ISF. Cela permettra d’alléger la taxe foncière pour des millions de Français des classes populaires et moyennes. »
C’est aussi l’argument des rédacteurs du programme contre le prétendu « matraquage fiscal », abonde Éric Bert, car cette réforme ne toucherait que 8 à 10 % des Français les plus riches.
Le point nodal, en matière de financement, se situe néanmoins dans l’évaluation de l’effet d’entraînement que les dépenses produiraient. Il est admis que l’investissement public, en boostant la consommation et l’emploi, crée de la croissance et génère donc des recettes fiscales. Grâce à ce cercle vertueux et à ses nouveaux impôts, l’Union populaire compte sur 267 milliards d’euros de recettes supplémentaires, pour 250 milliards de dépenses nouvelles. Le compte est bon ! Quel crédit apporter à ces projections macroéconomiques ? Les rédacteurs du programme ont utilisé des modèles de la Banque de France, qui permettent d’évaluer l’impact d’une politique en y ajoutant des aléas…
Extrait d’un article d’Erwan Manac’h dans Politis du 12 mai 2022.